Le pigeon ramier est aussi appelé « palombe » dans le sud-ouest de la France.
ORDRE : Colombiformes
FAMILLE : Colombidés
SOUS-FAMILLE : Colombinés
GENRE : Columba
ESPÈCE : Palumbus
Dans la sous-famille des colombinés, on trouve en Europe les genres Streptopelia (la tourterelle des bois Streptopelia turtur et la tourtelle turque Streptopelia decaocto) et donc Columba qui comprend également le pigeon biset Columba livia, et le pigeon colombin Columba oenas. Le pigeon domestique, espèce férale, Columba livia urbica est très présent dans notre région.
IDENTIFICATION DU PIGEON RAMIER
le pigeon ramier est facilement identifiable et très connu des chasseurs. Les jeunes ramiers, qui ne possèdent pas encore de taches blanches sur le côté du cou, peuvent être confondus avec le pigeon colombin. La bande blanche sur le dessus de l’aile permet cependant de les distinguer aisément de celui-ci. Les pigeons bisets domestiques peuvent également être, dans quelques cas particuliers, confondus avec le ramier.
Le pigeon ramier est le plus grand colombidé d’Europe, avec une envergure de 73 à 80 cm, une longueur de 40 à 42 cm, et un poids variant de 300 à 580 g.
Sa morphologie, avec sa longue queue en palette et ses ailes larges, est adaptée pour évoluer en milieu forestier.
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE
Il est présent dans toute l’Europe, au nord du Maghreb, au Moyen-Orient en Asie centrale. En France, il se reproduit pratiquement partout, y compris en zone montagneuse jusqu’à 2 350 mètres d’altitude. L’espèce reste cependant peu abondante en Corse. Sa répartition en hiver diffère un peu avec un hivernage essentiellement dans l’ouest du pays, et plus particulièrement dans le sud-ouest. Les populations françaises de la façade ouest-atlantique (et donc de Vendée) sont sédentaires. Celles de l’Est et du Nord-Est du pays sont migratrices partielles. Ces populations sont renforcées par les oiseaux originaires du Sud de la Scandinavie, du Benelux et d’Allemagne.
Les populations de Russie occidentale, d’Europe centrale de l’Est et du Nord gagnent la péninsule ibérique après avoir franchi les Pyrénées.
Le pigeon ramier est présent sur l’ensemble de notre département en période de reproduction et d’hivernage.
ÉCOLOGIE ET HABITAT
L’habitat originel de l’espèce est le milieu forestier. Il est ainsi souvent lié à la strate arborescente. Le ramier a ensuite colonisé les milieux agricoles, en particulier le bocage. Il est aujourd’hui présent dans les milieux urbains, aussi bien dans les grandes villes que dans les bourgs et villages de nos campagnes. Cette espèce est qualifiée aujourd’hui d’espèce « généraliste », c’est-à-dire qui n’est pas spécialiste d’un type de milieu et qui a une grande capacité d’adaptation à son environnement et à l’évolution de celui-ci.
Ces sites de nidification en sont la principale illustration. Il peut aussi bien nicher en forêt, dans nos haies, nos jardins, nos parcs, les alignements d’arbres que dans divers bâtiments agricoles ou urbains. À titre d’anecdote, nous avons déjà eu l’occasion de suivre des nids où la reproduction se déroule avec succès dans des greniers…).
REPRODUCTION
La reproduction peut s’étaler toute l’année, mais elle commence principalement en mars pour se terminer en octobre. L’espèce est territoriale en période de reproduction et on peut souvent observer des mâles défendre leurs postes de chants en donnant de violents coups d’ailes. Le nombre de nichées varie de deux à quatre par an. La ponte est composée de deux œufs blancs uniformes, pour une incubation de 17-18 jours et un séjour au nid des poussins de 22 à 28 jours.
Le nid est composé d’un amas plus ou moins important de brindilles. Les mêmes individus peuvent occuper plusieurs fois un nid la même année et d’une année sur l’autre. Il n’est pas rare dans nos suivis de constater qu’un couple occupe deux nids successifs en alternant la reproduction entre les deux nids. Une ponte détruite peut être remplacée. Dès leur envol, les jeunes se mêlent aux adultes et constituent des bandes sur les zones de gagnage.
La prédation est importante en période de reproduction, que ce soit au moment de l’incubation que de l’élevage des jeunes.
ALIMENTATION
Les études de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) auxquelles nous participons montrent que c’est en milieu urbain que le succès à l’éclosion et à l’envol est le meilleur : les nichées urbaines ont une chance sur deux ou trois de réussir alors que les nichées rurales ont seulement une chance sur dix d’amener au moins un poussin à l’envol à partir d’une ponte. En région des Pays de la Loire, au moins 54 % des échecs en incubation et 61 % pendant l’élevage sont liés à la prédation.
Les densités sont très variables selon les habitats. Elles sont les plus fortes en bocage et dans les milieux où alternent cultures et bosquets avec de 6 à 13 chanteurs pour 100 ha.
Son régime alimentaire est très diversifié et évolue au fil des saisons. En été, il sera principalement granivore alors qu’à l’automne et en hiver, il consommera des baies et des fruits forestiers et pendant l’élevage des jeunes des proies animales.
Les graines de céréales et d’oléo-protéagineux, bourgeons, fleurs, baies (lierres en particulier), faînes, glands, jeunes feuilles (trèfles), mollusques et vers composent son menu.
En période automnale et hivernale, les groupes d’oiseaux de quelques individus à plusieurs centaines, voire milliers exploitent les milieux principalement agricoles et peuvent se déplacer en fonction des ressources alimentaires et des conditions climatiques. L’abondance des hivernants peut donc fortement fluctuer en fonction de ces éléments.
Nos populations locales sédentaires, elles, occupent l’espace en tirant profits des cultures et des zones urbaines.
ÉVOLUTION, TENDANCES DES EFFECTIFS, STATUT DE CONSERVATION DU PIGEON RAMIER
À l’échelle européenne, l’espèce présente un statut de conservation favorable avec un accroissement de l’indice d’abondance de 113 % sur la période 1980-2013 (EBCC, 2015 ; Birdlife international, 2015). En France, la population nicheuse est estimée à deux à trois millions de couples (2009-2012) et est considérée en forte augmentation (1989-2012).
La population française hivernante est estimée supérieure à 10 000 000 d’individus (2000- 2013) et elle aussi en forte augmentation (1990 – 2013).
En France, deux réseaux estiment les tendances des populations nicheuses : le STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs) du Muséum National d’Histoire Naturelle et le réseau OFB/FNC/FDC « Oiseaux de passage ». Ils présentent des résultats convergents avec pour le STOC +77,8 % sur la période 2001 -2018 (Site internet Vigie-Nature) et pour le réseau « Oiseaux de Passage » +107,2 % pour la période 1996-2016 et un rythme de croissance qui s’établi autour de +3,53 % par an. Ce même réseau donne une tendance de +67,6 % pour les hivernants avec un accroissement annuel moyen de 3,1 % (Roux, D. et al., 2017).
Le développement des populations en zone urbaine se généralise. L’expansion géographique et l’essor démographique en France et en Europe semblent liés au développement de populations sédentaires, phénomène attribué aux modifications des pratiques agricoles avec l’augmentation des surfaces cultivées (maïs, tournesol et colza en particulier). La succession d’hiver doux est également un facteur favorable.
SUIVIS ET ÉTUDES DE LA FÉDÉRATION
Le personnel de la FDC85 participe au réseau Oiseaux de Passage, et s’investit pour l’espèce à travers deux types de suivis, l’un sur les populations nicheuses et l’autre sur les populations hivernantes. À partir d’un échantillonnage systématique (avec 5 335 point de comptage au niveau national), 65 points de comptages sont effectués en Vendée par 6 observateurs. Deux passages sont réalisés au printemps (le premier en avril, le second entre le 15 mai et le 15 juin) pour les nicheurs avec 17 espèces suivies. Un passage est réalisé en hiver entre le 10 et 21 janvier pour les hivernants et 13 espèces suivies.
La FDC85 s’implique également dans le cadre d’un programme OFB concernant l’étude des populations de colombidés nicheurs en France. L’objectif de ce programme étant d’effectuer le monitoring de la reproduction, d’estimer le taux de survie et de déterminer les mécanismes de dispersion. Un suivi de la reproduction des nids trouvés est donc réalisé avec une fiche descriptive de l’habitat, le baguage des poussins avec la prise de mesures biométriques (les poussins bagués étant suivis jusqu’à l’envol).
Depuis 2002, plus de 1 400 colombidés ont été bagués par le Service technique fédéral dont près de 1 000 pigeons ramiers. Ce travail a nécessité le suivi de plus de 1 500 nids avec la participation de plusieurs dizaines d’informateurs.
LES REPRISES DE BAGUES
Concernant la dispersion des populations, les reprises de bagues fournissent de précieuses informations. A la date du 15 avril 2020, nous avons eu connaissance à la FDC85 de 150 reprises de bague pour le pigeon ramier. Parmi elles, il y a seulement deux reprises en Vendée d’oiseaux bagués à l’étranger (un en Angleterre et un en Norvège). Trois oiseaux bagués dans des départements limitrophes (Deux-Sèvres et Loire-Atlantique) ont été repris en Vendée.
Les 145 autres reprises concernent des oiseaux bagués en Vendée. La très grande majorité (140 soit 96,5 %) des oiseaux sont repris localement à une distance moyenne de 3,6 km (0 à 37,5 km pour les extrêmes). La moitié d’entre eux (50 %) sont repris en novembre-décembre et 80 % le sont dans les trois premières années après le baguage. Citons deux oiseaux repris dans leur 11ème année et un ramier repris dans sa 15ème année. Pour l’instant, c’est le « record » vendéen : bagué poussin à Réaumur en août 2002 et repris dans la commune voisine du Tallud-de- Sainte-Gemme en décembre 2016 !
Enfin, cinq oiseaux « vendéens » ont été repris en France : deux dans des départements limitrophes (Loire-Atlantique et Deux-Sèvres), tandis que trois d’entre eux sont allés plus loin puisque deux oiseaux ont été repris dans le département des Landes et un plus au nord dans le Morbihan.
L’analyse de ces reprises de bagues montrent que la très grande majorité des oiseaux locaux sont sédentaires et que très peu d’oiseaux extérieurs à la Vendée sont repris dans notre département. Ce constat rappelle l’importance d’une gestion locale et durable de l’espèce.
CONNAISSANCE DES PRÉLEVEMENTS
Le pigeon ramier est l’espèce la plus prélevée en France et en Vendée.
Les effectifs prélevés au niveau national en 1998-1999 étaient estimés à 5 169 000, en 2007-2008 à 4 480 000 et en 2013-2014 à 4 930 000. En tenant compte de la baisse du nombre de de chasseur français, ce tableau apparait stable entre ces trois enquêtes. Le poids cynégétique du pigeon ramier est important en France ; c’est même la seule espèce de petit gibier dont le niveau de prélèvement est stable. Au niveau de la répartition géographique des prélèvements, si le sud-ouest de la France reste une région importante (24 % des prélèvements nationaux réalisés en 2013-2014 en Aquitaine), la part des prélèvements dans les régions du Nord de la France augmente.
Malheureusement, ces données nationales ne sont pas régulières. Il serait plus pertinent de les recueillir annuellement car nous avons vu que l‘abondance des oiseaux peut être très dépendante des conditions climatiques et de la disponibilité alimentaire.
Pour notre région et notre département, nous disposons de donner plus régulières et plus précises via une enquête prélèvement réalisée annuellement sur la base d’un échantillon. Pour la dernière saison 2018-2019, le nombre de pigeon ramier prélevé était de l’ordre de 384 000 pour la région Pays de la Loire avec 27 % des prélèvements en Vendée soit 103 500. En moyenne, un chasseur vendéen a prélevé plus de 7 pigeons ramiers en 2018-2019 avec près de 60 % de chasseurs qui en ont prélevé au moins un.
L’évolution quantitative des prélèvements est plutôt stable en Vendée, avec une moyenne depuis 1993-1994 de 125 000 (extrême 93 100 en 2009-2010 et 176 000 en 2002-2003), alors que le prélèvement moyen par chasseur augmente (série de 26 saisons cynégétiques).
L’analyse de la répartition mensuelle des prélèvements montre que près de la moitié de notre tableau de chasse annuel est réalisé en septembre et en octobre. Nous faisons ce constat chaque saison depuis 26 ans. Ces informations, couplées avec les données des reprises de bagues des oiseaux nés en Vendée et repris tout au long de la saison de chasse, montrent que le tableau de chasse vendéen repose principalement sur les populations nicheuses locales.
MESURES DE CONSERVATION
L’espèce a donc un statut de conservation favorable avec une progression des populations. Pour autant, la gestion de l’espèce et de ses milieux n’est pas à négliger. Potentiellement, cette espèce peut commettre des dégâts aux cultures, et cette problématique est donc également à prendre en compte.
Dans un département comme le nôtre, où les populations nicheuses sont importantes et sédentaires, et donc où les tableaux de chasse reposent sur le maintien de ces populations, il apparaît comme essentiel le maintien du statut de l’espèce comme espèce « gibier ». Lorsque des cas de dégâts surviennent, il est préférable d’étudier localement la situation, avec dans la plupart des cas la préférence de solutions intermédiaires.
Le maintien et la diversité des paysages permet notamment de diminuer l’impact du ramier sur certaines cultures, les dégâts étant toujours plus importants dans un environnement très simplifié. Cette diversité du milieu passera par le développement de différentes ressources alimentaires avec le maintien ou l’implantation de surfaces pâturées riches en végétaux verts ou le maintien d’éléments fixes du paysage (haies).
Le calendrier des interventions sur les éléments fixes du paysage est également à prendre en compte en évitant les interventions à minima entre le 1er avril et le 1er août, y compris en zone urbaine.
Ces populations urbaines ne doivent pas être négligées, la dynamique favorable de l’espèce étant très probablement liée à celles-ci.
Le maintien des populations au niveau actuel passera donc, comme pour la gestion de beaucoup d’espèces, à des compromis permanents et à une vigilance accrue des chasseurs vendéens sur la dynamique de leur population nicheuse.
BIBLIOGRAPHIE
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